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Certains albums sont plus difficiles à chroniquer que d'autres. Non, je ne vous parle pas de ma prochaine étreinte avec Striborg ('foiré de Greg). Je vous parle du projet français Lord Shades et de sa volonté de monter un concept-album. Si les influences sont black et death, ce n'est pas ce que Lord Shades met en avant et c'est bien ce qui est perturbant. Les albums qui illustrent un long texte comme la bande-son d'un roman sont rares. A ce titre, je ne peux que conseiller à toute oreille curieuse de se pencher sur le trop peu connu Le Testament du Diable d'Athanor. Mais ce genre de concept-album ambitieux peut aussi être une magnifique chausse-trappe vers les abysses. Beaucoup s'y sont cassés les dents, à trop négliger la musique ou les textes, voire les deux, voire aussi à tellement mettre la musique au service du texte que l'auditeur en perd toute référence.Pour le coup, le travail réalisé par Lord Shades mérite qu'on s'y attarde. A l'instar d'un Bal Sagoth des premiers temps, le quartet met en musique une véritable épopée heroic fantasy digne d'un roman de Moorcock, développée au fil de longs textes. Le groupe s'est également entouré de nombreux complices pour donner à son travail toute la profondeur nécessaire. Si on reste dans le cadre d'une autoproduction, avec le budget contraint que cela sous-entend, le résultat semble être à la hauteur des espérances et chacun des nombreux instruments ou chacune des voix trouve sa place dans l'espace sonore.
Mais voilà, malgré ma bonne volonté, je n'arrive pas à accrocher à la musique. Les riffs ne m'interpellent à aucun moment, restant dans un metal épique relativement direct qui ne m'apostrophe pas. Dans ma propension à faire souffrir la scène française, j'aurais pu broyer le groupe en les balayant d'une chronique sévère, en leur disant que leurs parties extrêmes se limitaient à une partie trop congrue pour mes oreilles. Mais voilà, plutôt qu'une composition sans talent, je pense qu'il s'agit cette fois d'un simple décalage stylistique trop important. Si je lattais le dernier Manowar, vous conviendrez que cela n'aurait aucun sens. Ben là, c'est un peu ce que je ressens (bien que Lord Shades n'ait rien à voir avec Manowar, évidemment).
Les compos de Lord Shades tiennent bien la route et sont mises en place avec le souci profond des atmosphères. Et je pense qu'en les regardant au travers du prisme d'un metal simple avec des touches théâtrales, elles interpelleront des fans du Cradle moderne (par exemple). La référence à Cradle vient de l'utilisation des chœurs féminins fantomatiques chers aux Anglais, et à cette ambiance assez brumeuse et sombre, assez "gothic", que Lord Shades parvient à placer au fil des minutes. Le groupe a eu le souci de proposer des morceaux variés, toujours dynamiques, et qui servent obstinément son fil conducteur, à savoir son histoire. Et en faisant tout cela avec un bon sens de la mise en place. C'est ce qui fait que la douce voix féminine qui intervient sur "Encountess" ressemble bien à un ange surgi des cieux, me rappelant les vocalises de Sara Svensson sur le Sidereal Journey d'Oxiplegatz. Tiens, encore un concept-album de talent.
The Downfall of Fïre-Enmek ne s'avère pas être ma tasse d'hydromel, mais rien ne vous empêche de tenter l'expérience. Histoire de ne pas laisser encore disparaître dans les limbes un travail conséquent, comme cela a été le cas pour Athanor récemment. Athanor, que je n'avais pas voulu chroniquer sur VS, faute à un décalage stylistique trop important avec l'album. Je regrette de ne pas l'avoir fait car nous n'en avons finalement pas parlé. Au moins, Lord Shades aura eu sa chronique et j'espère qu'elle vous donnera l'envie de découvrir ce groupe et son univers. Prince de Lu